La comparution différée est un mode de poursuite devant le tribunal correctionnel créé à l’article 60 de loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et dont l’entrée en vigueur a été immédiate.
Antérieurement, à l’issue d’une mesure de garde à vue, le Procureur de la République pouvait décider d’un classement sans suite (CSS), d’une mesure alternative aux poursuites, d’une convocation par officier de police judiciaire (COPJ), d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), d’une convocation par procès-verbal avec une saisine du juge des libertés et de la détention pouvant ordonner une mesure de contrôle judiciaire (CPVCJ), d’une comparution immédiate devant le tribunal correctionnel (CI) ou d’une ouverture d’information judiciaire.
Désormais, le nouvel article 397-1-1 du code de procédure pénale détaille les conditions de mise en œuvre de la comparution différée (CD) devant le tribunal correctionnel.
Pour pouvoir être envisagée, la comparution différée doit tout d’abord concerner des infractions délictuelles punies d’au moins 6 mois d’emprisonnement en cas de délits flagrants et d’au moins 2 ans d’emprisonnement en cas de délits non flagrants.
Par ailleurs, il doit exister contre la personne ayant fait l’objet d’une mesure de garde à vue des charges suffisantes pour la faire comparaître devant le tribunal correctionnel. Les mineurs sont donc exclus de cette procédure puisqu’ils sont jugés devant des juridictions spécialisées.
Une autre condition indispensable pour la mise en œuvre de ce mode de comparution est l’attente de résultats de réquisitions, d’examens techniques ou médicaux (expertise ADN, analyses téléphoniques, expertise psychiatrique…).
Ces examens doivent, toutefois, avoir été sollicités par le Procureur de la République dans le temps de la garde à vue et au plus tard jusqu’à l’issue de cette mesure. Ainsi, si les résultats d’enquête interviennent avant la fin de la mesure de garde à vue, le prévenu ne pourra pas faire l’objet d’une comparution différée, mais il pourra éventuellement être jugé en comparution immédiate.
Enfin, le prévenu doit nécessairement être assisté par un avocat.
Si les conditions légales sont réunies, le Procureur de la République ne pourra décider d’orienter la procédure selon ce mode de comparution qu’à l’issue de la présentation de la personne devant lui, à la suite de son un déferrement et après avoir entendu les observations du prévenu et de son avocat (art. 393 du code de procédure pénale).
Le Procureur de la République devra alors saisir le Juge des Libertés et de la Détention, par réquisitions écrites, aux fins de voir prononcer par ce dernier une éventuelle mesure de contrôle judiciaire, d’assignation à résidence sous surveillance électronique ou de placement en détention provisoire.
Les réquisitions devront préciser les raisons justifiant le recours à cette procédure en faisant mention des actes dont le résultat est attendu.
Le Juge des Libertés et de la Détention, après avoir entendu les observations éventuelles du prévenu ou de son conseil, rendra une ordonnance qui est susceptibles d’appel par les parties devant la chambre de l’instruction, dans le délai de 10 jours.
Le Juge des Libertés et de la Détention pourra également décider de ne prononcer aucune mesure de sûreté.
Par ailleurs, il convient de préciser que le détention provisoire ne peut être ordonnée que si l’infraction visée prévoit une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à 3 ans (exemple : délit de violences volontaire sur conjoint ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à 8 jours ou sans ITT, art. 222-13 du code pénal).
C’est l’ordonnance rendue par le Juge des Libertés et de la Détention qui saisira le tribunal correctionnel et l’audience devra être fixée dans un délai maximum de deux mois.
En cas de dépassement de ce délai de deux mois, toutes les mesures de sûreté ordonnées par le Juge des Libertés et de la Détention prendront fin.
Si le prévenu placé sous contrôle judiciaire ou assignation à résidence sous surveillance électronique ne respectent pas ses obligations, le Procureur de la République pourra saisir le Juge des Libertés et de la Détention afin que celui décerne un mandat d’arrêt ou d’amener et que le placement en détention provisoire soit prononcé.
Par ailleurs, les procès-verbaux, rapport d’expertise ou pièces résultant des réquisitions seront versés au dossier de la procédure dès leur accomplissement et mis à la disposition des parties ou de leur avocat.
Jusqu’à la date du jugement, le prévenu et le cas échéant la partie civile, ainsi que leurs conseils, pourront solliciter toute demande d’actes auprès du Président du tribunal correctionnel, par voie de conclusions écrites, adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ou remises au greffe contre récépissé.
Si à l’issue de l’audience de jugement condamnant le prévenu, le tribunal correctionnel décide d’un placement ou du maintien en détention, le jugement devra être spécialement motivé (art. 397-3 du code de procédure pénale).
L’objectif assumé de cette réforme est d’éviter l’ouverture d’une information judiciaire pour les dossiers en attente de l’achèvement d’actes d’enquête et lorsqu’une mesure de sûreté est souhaitée par le Procureur de la République (Circulaire du 8 avril 2019 N° CRIM/2019-7/H3/05.04.2019).
Cette procédure permet ainsi de contourner les inconvénients inhérents à l’information judiciaire, notamment en termes de délais.
De même, cette procédure vise également les infractions concernant des personnes hospitalisées par exemple après avoir ingéré des stupéfiants ou ayant été blessées pendant leur interpellation, puisque l’article 397-1-1 alinéa 7 du code de procédure pénale prévoit que la présentation devant le Procureur de la République et celle devant le Juge des Libertés et de la Détention « peuvent intervenir dans un lieu autre que le tribunal si l’état de santé de cette personne ne permet pas de l’y transporter ».