La loi n°2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, dite « loi Collomb » a apporté de nombreuses modifications au Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
Cette loi a été mise en œuvre étape par étape et certaines dispositions sont entrées en vigueur dès le lendemain de sa publication au Journal Officiel.
Cependant, la plupart des dispositions relatives à « la lutte contre l’immigration irrégulière » et à l’asile sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019. Enfin, les dispositions relatives à l’intégration, à la nationalité et au séjour sont entrées en vigueur le 1er mars 2019.
L’une des modifications majeures apportées par cette loi est le durcissement du régime juridique appliqué aux mesures d’éloignement et, par conséquent, de la mise en œuvre de ces mesures.
Le législateur a ainsi voulu renforcer l’exécution effective des mesures d’éloignement prises par le préfet qui est l’autorité administrative compétente pour prendre de telles décisions.
En effet, un placement en centre de rétention administrative ne peut être ordonné par le préfet qu’en exécution d’une mesure d’éloignement, aussi appelée obligation de quitter le territoire français (OQTF), prise par l’autorité administrative compétente.
Dès lors qu’une mesure d’éloignement prise par le préfet est exécutoire, il peut alors ordonner le placement de l’étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement en rétention, au sein d’un centre de rétention administrative (CRA). Dès qu’il a pris une décision de placement, le préfet doit en aviser le procureur de la République.
La rétention est un dispositif qui permet à l’administration de maintenir à sa disposition un étranger en situation irrégulière et faisant l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire français le temps strictement nécessaire à l’organisation de son éloignement.
L’annulation de la décision de placement en rétention ne peut être demandée que par requête introduite auprès du juge des libertés et de la détention. Ce dernier doit être saisi à cette fin dans un délai de 48 heures suivant la notification du placement, ce qui est une nouveauté instaurée par la loi du 7 mars 2016. Le juge disposera alors d’un délai de 48 heures pour statuer.
Parallèlement, la personne retenue peut saisir le président du Tribunal administratif territorialement compétent, également dans un délai de 48 heures, afin de contester la mesure d’éloignement ayant fondé son placement en rétention.
En tout état de cause, dès lors que la rétention n’a pas cessé dans un délai de 48 heures suivant la décision de placement, le préfet est dans l’obligation de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de ladite rétention.
Avant le 10 septembre 2018, la durée maximum de rétention était de 45 jours.
La loi Collomb a doublé cette durée maximum de rétention à 90 jours. La volonté du législateur était donc de permettre d’étendre le maintien à la disposition de l’administration d’un étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, et ce afin que celle-ci puisse organiser son éloignement.
Le législateur a donc choisi de durcir drastiquement certaines des dispositions inhérentes à la rétention administrative afin de « rendre plus effectives les décisions d’éloignement prises par les autorités préfectorales » et ainsi de poursuivre l’un des trois objectifs principaux énoncés par cette loi : la « lutte contre l’immigration irrégulière ».
La durée initiale de placement en centre de rétention administrative qui est prise par le préfet est de 48 heures. A l’issue de ce délai, l’étranger placé en centre de rétention devra être présenté à un juge des libertés et de la détention qui se prononcera sur la nécessité ou non de son maintien en rétention.
La décision de placement doit prendre en compte plusieurs critères et notamment « l’état de vulnérabilité de la personne ». Cette notion de vulnérabilité n’a pas fait l’objet d’une précision ou d’une définition jurisprudentielle claire et précise. Elle reste donc soumise à une appréciation qui sera donc faite in concreto par le juge des libertés et de la détention qui aura à se prononcer sur la situation de chaque étranger invoquant cet état de vulnérabilité.
Par ailleurs, la rétention ne doit pas être exécutée au sein de locaux relevant de l’administration pénitentiaire, c’est à dire des prisons.
Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise que la durée de la rétention doit être limitée au temps strictement nécessaire à l’organisation du départ de la personne placée en centre de rétention.
A l’issue des 48 premières heures d’enfermement en centre de rétention, le juge peut prolonger, sur requête du préfet, la durée de la rétention de 28 jours (articles L. 552-1 et suivants du CESEDA). A l’issue de ce délai, le juge des libertés et de la détention pourra de nouveau prolonger la rétention pour une durée maximale de 30 jours, également sur une demande de prolongation formulée par le préfet (articles L. 552-7 du CESEDA).
Cet allongement du délai légal de la rétention administrative de 45 à 60 jours est la principale nouveauté instaurée par la loi Collomb en la matière. Ces nouvelles dispositions ont été renforcées par la possibilité laissée au Juge des libertés et de la détention de prolonger une dernière fois cette durée de rétention de deux périodes de 15 jours. La durée maximale de rétention est donc désormais de 90 jours (48heures + 28jours + 30jours + 15jours + 15jours).
Toutefois, le législateur a tenu à introduire une obligation particulière de motivation qui incombe désormais au juge souhaitant appliquer ce dernier délai exceptionnel de 15 jours de rétention supplémentaire à l’issue de 60 jours d’enfermement.
Ainsi, pour prolonger une mesure de rétention au-delà de 60 jours, le juge sera contraint d’invoquer l’un des quatre motifs exceptionnels suivants :
- Si l’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement ;
- S’il a présenté, dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement, une demande de protection contre l’éloignement pour raisons médicales ;
- Lorsque, toujours dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement, la personne a présenté une demande d’asile ;
- Ou lorsque la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Ces motifs exceptionnels sont les seules garanties instaurées par la loi du 10 septembre 2018 permettant aux étrangers retenus de ne pas être maintenus en centre de rétention arbitrairement au-delà d’une certaine durée.
Toutefois, il convient de s’interroger sur l’efficacité que pourraient avoir de telles garanties. En effet, le premier motif exceptionnel demeure très vague et permet, par cette formulation, à l’administration de pouvoir l’invoquer dès lors que la personne retenue n’aura pas activement collaboré à l’exécution de sa mesure d’éloignement. Un motif exceptionnel formulé d’une façon aussi peu précise laisse donc une place prépondérante à la marge d’appréciation qui pourra être celle du juge des libertés et de la détention afin de motiver une décision de prolongation exceptionnelle de la rétention.
Le deuxième et le troisième motifs sont, quant à eux, formulés de façon très ambiguë. Ils laissent la possibilité au juge de prolonger la rétention dès lors que l’étranger aurait tenté de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement en présentant une demande d’asile ou une demande de protection pour raison médicale. Or, aucun texte en droit français n’empêche un étranger de formuler de telles demandes à tout moment, qu’il soit placé en rétention ou non. Sanctionner un étranger pour de tels motifs, et particulièrement en prolongeant une durée d’enfermement, reviendrait d’ailleurs à vider notre droit d’asile et de protection des personnes vulnérables de sa substance et de son but.
Enfin, le quatrième motif exceptionnel fait référence à une prolongation qui peut être décidée dès lors que l’administration établit que la délivrance d’un document de voyage permettant l’éloignement de la personne retenue va intervenir à bref délai. Une fois de plus, le texte ne précise aucun délai précis et se contente de faire référence à la « brièveté du délai », ce qui laisse de nouveau une importante marge d’appréciation à l’autorité administrative compétente ainsi qu’au juge devant statuer. De plus, le texte ne fait nullement mention de la façon dont l’administration doit apporter la preuve des diligences effectuées ni de la façon dont elle est désormais certaine, après plus de 60 jours d’enfermement, que les documents de voyage vont effectivement être délivrés.
En conséquence, les garanties accordées par cette loi en matière de rétention administrative demeurent très restreintes puisqu’elles sont formulées en des termes très peu précis et qu’elles n’interviennent que dans les 30 derniers jours de la période de rétention.
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La première ordonnance régissant le statut des étrangers en France a été promulguée le 2 novembre 1945. Ce texte est l’un des plus altérés du droit français puisqu’il a été modifié à de très nombreuses reprises, et plus de 28 fois depuis 1980. Ces nombreuses modifications ont été dans le sens d’un durcissement de la législation applicable aux étrangers en France, et la loi Collomb ne fait pas figure d’exception. En matière de rétention notamment, à l’image de beaucoup d’autres thèmes abordés et modifiés par cette loi, les dispositions sont devenues plus restrictives à l’égard des étrangers. Il convient désormais d’observer les conséquences d’un tel durcissement législatif et de déterminer s’il aura permis d’exécuter de manière plus effective les mesures d’éloignement prises par l’autorité administrative, ce qui était l’objectif poursuivi par ces nouvelles dispositions.