Les nouvelles règles du divorce contentieux

Ces dernières années, les règles du divorce ont été profondément modifiées. C’est tout d’abord le divorce par consentement mutuel qui a connu une véritable révolution avec l’introduction d’un divorce sans juge. Depuis le 1er janvier 2017, les parties peuvent ainsi divorcer sans saisir une quelconque juridiction en ayant seulement recours au service de leur avocat respectif, dès lors évidemment qu’après négociation, ils ont réussi à tomber d’accord sur les conséquences de leur séparation.

Le divorce contentieux ne pouvait être en reste. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et le décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019 ont ainsi bouleversé les règles en la matière, à tel point que le ministère de la justice a consenti à une application différée au 1er septembre 2020, pour permettre aux juridictions notamment de s’adapter à ces nouvelles procédures. Rappelons ici les principales modifications de ce divorce contentieux, tant sur le plan procédural que sur le fond.

 

Les modifications procédurales

 

  • La disparition de l’audience de tentative de conciliation et de la procédure en deux temps.

 

Avant cette réforme, la procédure de divorce contentieuse se déroulait en deux étapes. Dans un premier temps, l’époux demandeur saisissait le juge par requête rédigée par son avocat et une audience de tentative de conciliation était organisée en présence des deux époux et de leur avocat. Lors de cette audience au cours de laquelle un procès-verbal d’acceptation pouvait être signé par les époux, permettant ainsi de ne pas discuter des motifs du divorce dans la seconde phase de la procédure, des mesures provisoires étaient débattues devant le juge, afin d’organiser la vie du couple pendant la procédure (jouissance du domicile conjugal, résidence des enfants, pension alimentaire etc…). Dans un second temps, l’époux demandeur, ou à défaut, l’époux défendeur poursuivait la procédure en assignant l’autre partie en divorce. C’est dans cette seconde phase que le motif du divorce était éventuellement discuté si un procès-verbal d’acceptation n’avait pas été signé lors de l’audience de tentative de conciliation, et que ses conséquences étaient arrêtées par le juge dans sa décision après avoir été parfois âprement débattues par les avocats.

 

La réforme supprime cette procédure en deux temps. Ainsi, la requête initiale, l’audience de tentative de conciliation, puis l’assignation disparaissent au profit d’une simple « demande en divorce ». A compter du 1er septembre prochain, cette demande doit être formée par assignation ou requête conjointe des parties avec « prise de date » en amont en vue de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires.

L’acte doit ainsi comporter les demandes au fond, relatives aux conséquences du divorce. Cela nécessite de prévoir dès ce stade, « une proposition de règlements des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux » à peine d’irrecevabilité de la demande. Il s’agira donc d’avoir une idée claire sur les conséquences du divorce dès l’introduction de la demande (partage des biens, prestation compensatoire etc…).

Le motif du divorce ne peut quant à lui être indiqué que s’il s’agit d’un divorce accepté ou d’un divorce pour altération définitive du lien conjugal. En effet, le divorce ne peut à ce stade être fondé sur la faute ni mentionner les faits à l’origine de la demande en divorce, et ce à peine d’irrecevabilité. Si le divorce doit être poursuivi sur le fondement de la faute, il faudra que le demandeur attende les premières conclusions au fond afin de formaliser cette demande. En tout état de cause, au stade de la demande en divorce, il n’existe aucune obligation d’en préciser les motifs et les fondements.

Dans une partie distincte de l’acte, les demandes de mesures provisoires peuvent également figurer, si de telles mesures sont sollicitées. Ces demandes seront alors étudiées lors de la première audience fixée par le greffe.

 

  • L’audience d’orientation et sur mesures provisoires

 

En lieu et place d’une audience de conciliation, c’est donc une audience d’orientation et sur mesures provisoires qui est organisée.

Si les parties formulent des demandes provisoires, c’est au cours de cette audience qu’elles sont débattues., étant précisé que les parties ne sont plus obligées d’être présentes lors de cette audience. Le juge peut néanmoins ordonner la comparution personnelle des parties.  En outre, même après cette audience, les époux pourront toujours formuler des demandes de mesures provisoires devant le juge de la mise en état, jusqu’à la clôture des débats.

Si aucune des parties ne formule des demandes de mesures provisoires, l’audience n’aura pour objet que l’orientation de la procédure avec fixation d’un calendrier (délai pour production des conclusions et pièces etc..). Une telle hypothèse est cependant extrêmement rare en pratique.

 

La procédure est donc grandement simplifiée. En effet, même si une première audience sur les mesures provisoires continuera de se tenir dans la majorité des cas, l’orientation sera faite concomitamment à cette audience sur les mesures provisoires, sans que l’époux demandeur ne soit contraint d’assigner après avoir reçu la première décision du juge. Dans les faits, plusieurs mois pourraient donc être gagnés dans la conduite de ces procédures de divorce.

 

Les modifications au fond

 

Le divorce sur demande acceptée et le divorce pour altération définitive du lien conjugal sont modifiés.

Le divorce sur demande acceptée survient lorsque les époux acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci. Dans cette hypothèse, les époux sont donc d’accord sur le principe du divorce et ne discuteront que ses conséquences. La loi prévoit désormais que l’accord des époux peut être donné en amont de toute procédure, dans le cadre de l’acte sous signature privée contresignée par avocat, l’accord devant avoir été donné dans un délai maximum de six mois avant la présentation de la demande en divorce. L’accord devra alors être annexé à la requête introductive d’instance formée conjointement par les parties. Pour le reste, l’accord pourra toujours être donné lors de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires ou ultérieurement, dans le cadre de la procédure.

 

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal pouvait être demandé par un époux lorsque la communauté de vie entre époux avait cessé et lorsqu’ils vivaient séparés depuis deux ans lors de l’assignation en divorce. L’un des époux pouvait avoir recours à ce type de divorce lorsqu’aucune faute suffisamment grave pour justifier une demande sur ce fondement n’avait été commise, et lorsque son conjoint n’avait pas donné son accord au principe du divorce. Rappelons que ce divorce (autrefois appelé divorce pour rupture de la vie commune), qualifié en son temps par ses détracteurs de divorce unilatéral, nécessitait jusqu’à la réforme de 2004 d’attendre 6 ans de séparation avant de pouvoir l’invoquer. Le nouveau délai est maintenant d’un an, sans que cela n’ait soulevé le moindre débat, preuve s’il en est que la société a considérablement évolué sur ces sujets en 16 ans.

En outre, la loi prévoit que si ce motif n’est pas indiqué dans la demande initiale, la décision statuant sur le principe du divorce ne peut intervenir avant l’expiration du délai d’un an. En pratique, cela signifie donc qu’une partie pourra assigner sans motif alors même qu’elle vient de se séparer de son conjoint, puis faire par la suite une demande pour altération du lien conjugal. Compte tenu des délais habituels de procédure (il n’est pas rare qu’un divorce un tant soit peu conflictuel dure plus d’un an), le divorce sera donc prononcé sur ce fondement alors même que les époux n’étaient séparés que depuis quelques jours au moment de la demande en divorce. Cette nouvelle possibilité permet donc à l’époux qui souhaite invoquer ce motif, « d’anticiper » ce délai d’un an.

 

Cette réforme a donc pour objet de simplifier le divorce contentieux, en assouplissant les règles procédurales d’une part, et en élargissant les motifs d’accès au divorce d’autre part. Les délais moyens d’une procédure en divorce devraient nécessairement s’en trouver raccourcis. Compte tenu de la situation sanitaire actuelle et de l’impossibilité pour les greffes de préparer la mise en place de cette réforme pendant cette période, il est néanmoins possible que l’application de ce texte, déjà repoussée au 1er septembre 2020, soit encore différée de plusieurs mois.


LGAVOCATS